Date de publication
12 mai 2025
modifié le

Nouvel épisode du podcast “Plus qu’une fac” : reprendre des études à 37 ans

Découvrez chaque mois une voix étudiante sur des choses importantes. Dans ce cinquième épisode, Élodie nous raconte une histoire de second souffle.

visuel podcast plus qu'une fac

L’Université Rennes 2, c’est bien plus qu’un lieu d’études. Dans chaque épisode de Plus qu’une fac, un ou une étudiante de Rennes 2 se confie sur ses choix, ses rencontres, ses peurs, ses envies… Sur ce moment de vie crucial où l’on commence à devenir soi-même. Formation, logement, engagement associatif et politique, etc. sont autant de thèmes abordés par le prisme de l’intime.

Dans cet épisode, c'est Élodie, étudiante en master CAPS, qui se raconte. Elle nous parle de ce que c'est de reprendre des études quand on approche de la quarantaine et qu'on élève un enfant.

Écouter le cinquième épisode du podcast "Plus qu'une fac"
Contenu du texte déplié

[Musique du générique]


 

Voix off : Rennes 2, c'est bien plus qu'un lieu d'études. C'est un point où convergent plus de vingt mille destins. Un moment unique où l'on fait des choix, des rencontres et des erreurs. Où l'on apprend à être soi. Où l'on s'élance, chacun et chacune à sa façon. 

Dans cet épisode, c'est Élodie qui se raconte. Elle nous parle de ce que c'est de reprendre des études quand on approche de la quarantaine et qu'on élève un enfant. 

C'est une histoire de second souffle, tout de suite dans plus qu'une fac. 


 

[Fin de la musique du générique]


 

Élodie : Je crois qu'en fait j'adore entreprendre des études. J'ai d'abord fait une licence en lettres modernes, parce que j'aimais lire [rires]. Ensuite, j'ai fait un master en communication à Rennes 2. Mais moi ce qui m'intéressait c'était déjà le culturel et l'artistique. J'ai ensuite repris des études. Quand j'avais 29 ans, j'ai fait une licence en tourisme et patrimoine, naturel et culturel. Donc j'ai travaillé quelques années dans le tourisme et dans le patrimoine, à la communication et à la conduite de visites guidées et j'ai aussi travaillé dans le spectacle vivant - théâtre jeune public -, dans l'art contemporain, au Frac Bretagne. J'ai ainsi sauté d'expérience en expérience au gré des possibilités, des opportunités. On peut croire que je suis allergique au CDI, c'est le cas [rires], par expérience. Ce que j'aime bien quand j'arrive dans un poste, c'est le moment de la découverte. Et ça, ça passe assez rapidement, il faut le dire. 


 

[Virgule musicale]


 

Élodie : J'ai repris de nouveau des études, en master Approche créative de l'espace public (CAPS), à Rennes 2. J'étais à un carrefour où je suis revenue vivre sur Rennes, et l'idée c'était que je me consacre à des projets personnels autour de ma propre création, notamment en danse et en écriture, et aussi des formes que je n'ai pas forcément identifiées mais je voulais tester des choses. Et j'ai découvert que cette formation était sur le point d'émerger, sur le point de naître, et elle réunissait absolument tout ce qui m'intéressait. Pour moi, c'était enfin l'occasion de trouver un fil conducteur dans tout ce que j'ai fait auparavant et dans tout ce qui m'intéressait, dans mes lectures notamment.

C'est tout ce qu'on peut faire de, avec et à partir de l'espace public, notamment avec ceux et celles qui le composent, donc les habitants, les habitantes, sachant qu'il y a évidemment des personnes qui sont moins visibles dans l'espace public parce que la société a une image de la norme de ce qui doit apparaître dans l'espace public. Et nous, ça va être à partir d'outils qui sont assez transversaux. Ça peut être de la création sonore, ça peut être des projets participatifs citoyens, de la danse, ça peut être des arts visuels et plastiques, voire de l'urbanisme culturel. En tout cas, ce qui est intéressant dans ce master, c'est vraiment l'idée de remettre aussi le sensible au cœur de nos expériences, notamment d'occupation de l'espace. Et il y a aussi une volonté engagée, voire militante, puisque quand il s'agit d'espace public, on est dans un espace politique. 

Par exemple, cette année en master 2, on a eu un cours qui portait sur les monuments ordinaires. Alors je dis un cours, mais c'est pas un cours académique. C'est-à-dire qu'il y avait de la recherche et de la création, parce que c'est ça aussi la spécificité du master, c'est qu'on fait de la recherche-création et de la recherche-action. Les deux se nourrissent. Et certains cours sont plus universitaires, plus cadrés, plus bordés, en tout cas tels qu'on peut les connaître en université, des cours magistraux. Ça, c'était davantage le cas en première année de master. Néanmoins, ce qui est commun aux deux années, c'est qu'on est plutôt sur des formats de modules au choix, à la carte, avec des workshops. Donc les workshops, c'est un format intensif de plusieurs jours. La première année de master était particulièrement dense, et puis ça demande aussi de la souplesse, puisqu'on passe quand même d'un sujet à l'autre, et il y a toujours plusieurs projets qui sont enclenchés en même temps. Je donne un exemple comme ça, ça peut donner une petite idée. Il y a notamment eu une collaboration avec Ars Nomadis, un collectif qui travaille sur la matière sonore, et eux sont sur un projet qui s'appelle Building, qui a lieu dans le nouveau quartier Baud Chardonnet, tout juste sorti de terre. Et l'idée, c'est donc un projet sur plusieurs années de collecte sonore du chantier, sur le chantier. Donc nous, en tant qu'étudiantes et étudiants, nous y avons été associés, et nous sommes allés collecter des sons dans les bâtiments en construction, et chacun chacune a proposé une création à partir de ces sons. Et les résultats ont tous été très différents. Ça pouvait créer une sorte d'univers sonore très varié, et donc ça a été diffusé ensuite au tout public sur une date choisie. 


 

[Virgule musicale]


 

Élodie : Si je devais parler de deux modes d'expression qui sont mes langages privilégiés, il y a la danse et l'écriture. J'ai parfois réussi à associer les deux en proposant des ateliers danse et écriture au sein d'un collectif. Et là, dans mon mémoire, la danse va apparaître. Quand j'ai rencontré la danse il y a quelques années - j'en pratique depuis l'enfance, mais j'ai l'impression d'avoir percuté avec la danse il y a quelques années, où j'ai découvert que c'était fantastique de danser avec le coude, de danser avec les doigts, où j'ai vraiment eu la sensation que ça y est, je comprenais qu'on pouvait absolument faire des choses incroyables avec son corps, et que surtout on n'était pas obligé de le faire en plateau uniquement, ni en studio. 

Moi cette année j'ai eu la chance, avec l'école d'architecture et deux autres camarades de CAPS, de partir danser, à Venise, sur la scène de la Biennale d'architecture, au pavillon français, et bien sûr il y a le fait d'être ailleurs, d'être déplacée de son environnement d'études, mais le fait d'engager le corps, d'être sur un format de création qui est une forme d'urgence, ça nous a rapproché·es aussi, de partager ça. Avec certains, certaines, on va conserver un lien, ce qui est fantastique c'est qu'on a des appétences communes, on s'intéresse à des questions sociales, politiques. Nos choix de sujets sont assez complets, puisque une camarade s'intéresse au sans-abrisme, une autre à la mémoire du Bois Perrin [lieu des cours du master CAPS, ndlr]. On va retrouver également un étudiant qui travaille sur le logement social. En fait ça dépend des parcours qu'on a eu auparavant, puisqu'on provient de filières telles que les lettres, la géographie, l'urbanisme, la sociologie, les études théâtrales, c'est très varié, et c'était assez complémentaire sur les travaux de groupe, ce qui n'est pas toujours évident puisque c'est à l'image du travail, de la vie professionnelle, il faut composer avec les temporalités de chacune, c'est pas toujours évident, mais j'étais pas toujours sereine dans les travaux de groupe, parce qu'on n'a pas les mêmes obligations familiales quand on a 20 ans et quand on en a 37. 


 

[Virgule musicale]


 

Élodie : C'est vrai que ce n'est pas la même chose d'entreprendre des études à 20 ans, quand on est dans la continuité, qu’à 37 ans, qui est mon âge actuel. J'avais eu un petit goût d'essai, puisqu’à 29 ans j'avais déjà entrepris cette licence, néanmoins il y a une sensation de second souffle, de deuxième chance, non pas que je me sois pas saisi de la première, mais en tout cas moi je crois que je pourrais passer ma vie à l'université à apprendre des choses. Alors j'ai pas du tout envie de faire une thèse, d'être doctorante, je m'étais posé la question l'année dernière, mais je crois que ce n'est pas pour moi, à l'heure actuelle en tout cas. Donc il y a vraiment cette sensation de privilège, de chance incroyable, parce qu'on est quand même dans un pays où on peut reprendre des études sans trop se mettre en danger économiquement, un peu quand même [rires], mais en tout cas ce n'est pas impossible dans une certaine mesure. 

Et il y a plein de petites choses que j'ai trouvé amusantes [rires] en revenant à l'université. Alors je ne suis pas la seule en reprise d'études, donc j'ai aussi sympathisé avec des camarades qui avaient un petit bagage comme moi. Je trouve que l'université n'a pas tant changé en 15 ans, simplement des fois je me sens un peu étrange [rires] quand il s'agit de sortir telle ou telle carte, par exemple d'aller à la BU avec la carte Korrigo, ça me paraît tellement étrange [rires], ou alors toutes les démarches qui passent via l'interface en ligne, notamment la convention de stage, ce sont des choses qui me paraissent tellement curieuses et mes camarades sont très à l'aise avec ça parce que ça fait quelques années qu'ils fonctionnent ainsi, qu'ils ont saisi comment opérer, mais moi parfois je suis obligée de demander l'aide des responsables du master [rires]. 

Moi cette nouvelle génération elle m'impressionne parce que je me revois au même âge, j'avais pas vraiment les mêmes préoccupations, j'ai l'impression que j'avais une forme de légèreté, oui des choses me paraissaient dramatiques mais j'étais pas engagée et militante comme le sont mes camarades. Après je suis dans une filière particulière, il y a sûrement cette dimension qui est majorée, bien sûr parfois il peut y avoir un manque de nuances mais ce qui est normal, je veux dire à cet âge-là - et j'aime pas trop qu'on fasse de l'infantisme, donc j'essaie de m'en préserver - mais tout cas je les trouve assez bluffants d'avoir cette lucidité. C'est pas facile je pense pour eux tous les jours, je trouve que ça donne beaucoup d'espoir d'avoir une génération qui raisonne comme ça et effectivement si ce sont elles et eux qui vont constituer le monde d'après, et bien bienvenue [rires]

J'ai donc un petit garçon de quatre ans et demi et j'essaye de faire mon maximum pour ne pas travailler le soir quand il est présent donc je m'organise pour ça et jusque là j'ai plutôt bien réussi parce que certes je suis très intéressée par ce que je fais, mais je crois que ma vie personnelle passera toujours avant tout le reste, et ça pour moi c'est important. Le plus grand luxe dans la vie, c'est le temps, et ça c'est peut-être parfois ce qui est le plus difficile à obtenir. 

Là où je suis la plus heureuse je pense, c'est quand je pars toute seule plusieurs jours, m'isoler en bord de mer et là j'ai l'impression que je suis vraiment moi et j'ai l'impression de me rassembler et d'avoir l'esprit clair aussi. Ça c'est vraiment… pour moi c'est un luxe et ça j'y tiens : c'est la sensation d'être libre et je crois que le sentiment de liberté c'est le plus important au monde, et le plus menacé. 


 

[Musique du générique]


 

Voix off : Plus qu'une fac, c'est un podcast de l'Université Rennes 2 réalisé par le service communication. 

Merci à Elodie que vous retrouverez dans le prochain épisode. Elle nous parlera des violences domestiques dont elle a été victime et sur lesquelles elle a choisi de se pencher notamment dans le cadre de son mémoire de master. 



 

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